Au pays de Saint-Malo, il y avait naguère plus de fées dans la mer et sur les grèves qu'on ne comptait de bergères dans les landes.Un soir de lune, une troupe de fées se livraient à la danse ronde. Il arriva que douze jeunes gens étaient en fête, quand ils furent un peu chauds de boire, ils décidèrent d'aller inviter à la contredanse les belles fées de la grève.
Mais, au cours de la danse, elles s'aperçurent que les garçons avaient le souffle court et les jambes de laine, et elles entrèrent en fureur. D'un coup de leur baguette, elles changèrent les malappris en six gros matous noirs et six chattes blanches.Quand elles virent les pauvres animaux miauler de détresse, la bonté naturelle des fées de Saint-Malo leur attendrit le coeur, et elles promirent aux farauds de les rétablir dans leur forme première aussitôt qu'ils auraient filé, pour chacune d'elles, un manteau d'or et une robe d'argent tissés dans le seul mica de la grève.
La
tâche n'eut pas été longue si les fées
n'avaient précisé qu'ils ne pourraient filer que durant
les douze coups de minuit.Les
six matous et les six chattes se mirent au travail sans attendre.
Lorsque toutes les fées furent habillées, elles
frappèrent les chats de leur baguette et en refirent des
humains. On ne dit pas si plusieurs siècles avaient passés
sur leur tête. Ce qui est sûr, c'est qu'il est très
rare de voir de vrais chats s'égarer sur le sable de mer.
A Saint-Malo, pourtant, "argent de chat" est le nom du mica gris. Quand ce mica s'allume d'un reflet blond, il devient "l'or de chat", dont se tissait jadis le manteau d'apparat des Dames de la Mer.