L'histoire du bedeau de Névez

clocher de Nevez

 

 

Autrefois, dans les petits villages, c’était toujours le bedeau qui devait mettre les morts au cercueil.
Le bedeau du bourg de Névez, un jour qu’il venait de remplir cet office, s’en retournait à l’église, afin de tout disposer pour l’enterrement, lorsque, sur la barrière d’un champ, au bord de la route, il aperçut un homme assis, vêtu de ses hardes du dimanche.
- Bonjour, camarade Jean-Louis, dit l’homme, en levant la tête qu’il avait d’abord tenue baissée.
- Comment, s’écria le bedeau stupéfait, c’est vous qui êtes là, Joachim Lasbleiz !
C’était précisément le mort qu’il avait enfermé dans sa bière quelques minutes auparavant, après lui avoir passé ses effets les plus propres. - Oui, c’est bien moi, repartit Lasbleiz. Je suis venu te guetter ici, pour t’avertir qu’il faut que tu recommence incontinent ta besogne.
- Vous n’étiez donc pas bien, tel que je vous avait mis ?
- Non, tu a replié mon bras gauche sous mon corps: je ne veux pas m’en aller dans cette posture.

Ce disant, il disparut. Le bedeau rebroussa chemin aussitôt, rentra dans la maison mortuaire, et, au grand scandale de la famille, rouvrit le cercueil. Ce que Lasbleiz avait dit était vrai: le bras gauche était replié sous le corps. Le bedeau remit les choses en ordre et se dirigea de nouveau vers le bourg. Comme il passait devant la barrière, il vit que le défunt était encore là, mais debout, cette fois la tête haute.
- Aurais-je commis quelque autre manquement ? se demanda le bedeau.
Mais non : le mort se contenta de lui faire un signe de la main, comme pour prendre congé.
- Dieu vous donne ses joies ! dit le bedeau, en se découvrant. Et ce fut tout.

 

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